Parcours d’architectes-décoratrices : interview avec Bénédicte Bergot (Lyon)
Dans notre série d’interviews de décoratrices d’intérieur, pour aider les personnes qui cherchent à monter leur entreprise de décoration, voici l’interview de Bénédicte Bergot, architecte d’intérieur et décoratrice.
Le parcours d’une architecte décoratrice d’intérieur
Bonjour Bénédicte 🙂
Vous exercez le beau métier d’architecte décoratrice d’intérieur – pourriez-vous nous expliquer en quoi ça consiste ?
Le métier de décoratrice a pour fonction de donner un style, une ambiance, à un espace, avec des meubles, de la déco, des accessoires, sans toucher aux volumes d’une pièce. L’architecte-décoratrice met en scène, en quelque sorte, les intérieurs, et s’adaptent aux besoins du moment (fonctions) et aux envies
Comment en êtes-vous arrivée à faire ce métier ? Avez-vous fait des études ? Si oui, quels diplômes avez-vous ?
J’ai commencé par des études d’architecture en batiments (Diplomé Par Le Gouvernement). Dans ce parcours, je me suis vite rendu compte que j’avais envie de faire pleins d’autres choses, plus créatives.
J’ai donc fait des projets de paysage, de design, de feng shui…
Au bout de 2 ans, j’ai obtenu le diplôme de design d’objets, dans l’école d’architecture de Grenoble. On y fabriquait des prototypes de toutes sortes, avec nos mains, tout en gardant une logique très “architecte”. On a fait des kinder surprises (design industriel), des luges, une voiture, des objets divers, et mobiliers, le plus souvent ce qu’on voulait. On avait une approche design “reproductible”, et aussi une approche design de pièces uniques.
Après, je suis retournée dans le parcours d’architecte. Puis, je suis partie en échange Erasmus à Montréal, en design de l’environnement, dont j’ai aussi obtenu le diplôme. C’est une formation généraliste où on designe tout ce qui nous entoure, de l’objet à l’urbanisme. On fait des choix, dans cette formation, en fonction de ce qu’on a envie de faire de notre diplôme plus tard.
J’ai essayé de valider ma soutenance d’architecte DPLG depuis Montréal, où je suis restée 4 ans, mais c’était trop compliqué, et je n’avais pas tellement envie de me cloisonner dans un métier. Je n’ai donc jamais validé ce diplôme.
Avez-vous des spécialités ?
Je dis aux gens que je suis une créative avant tout. De part mon expérience professionnelle, j’ai acquis des connaissances en architecture commerciale, visuel merchandising (mise en place visuelle des produits en rayon), et en vitrines saisonnières. Mais je dirais que ma particularité, plus que spécialité, est d’avoir une vraie proximité avec les clients.
Pour exercer le métier d’architecte décoratrice, il faut donc aussi… de l’empathie, de la sensibilité aux besoins de l’autre, pour, j’imagine, comprendre ses envies au-delà même de ce qu’ils sont capables d’exprimer ?
Je dirais que ce n’est pas le cas de tous. Certains se servent du terrain de jeu que leur proposent les clients comme faire valoir de leur créativité. Ça ne concerne qu’eux, et pas vraiment le client.
Je compare souvent mon travail à celui d’un psy. Je rentre dans leur “intérieur”. Je dois interpréter ce qu’ils disent, et ce qu’ils ne disent pas, ce que je vois.
Ma sensibilité, à ce niveau, est un super pouvoir !
Ils m’appellent d’ailleurs dans des moments de leur vie où ils pourraient très bien choisir le psy plutôt que moi, dans des moments charnières.
Une psycho-décoration
Je trouve que c’est une approche fascinante et assez inédite de votre métier – et je ne pense pas que les formations d’archi/déco insistent beaucoup sur ce genre d’aspect, il ne doit pas y avoir beaucoup d’UV de psycho et de microsociologie dans les cursus 🙂
On a eu des cours de socio, en architecture, mais bien sûr, on apprend l’aspect technique, et à penser comme un architecte. D’ailleurs, ce regard d’architecte est souvent bien différent des autres personnes qui font la même chose que moi: j’ai une vue d’ensemble, du début, à la fin. Je réfléchis au contexte, beaucoup. Je relie un aspect très technique et fonctionnel (quand c’est pas pratique !), je me sens obligée d’être capable de justifier tout ce que je crée. Je ne fais jamais un geste gratuit, parce que c’est beau. Ça doit avoir du sens.
Architecture et éthique
En fait, pour continuer dans l’élan de ma dernière question, je me rends compte que votre pratique professionnelle a aussi un fort aspect éthique. Est-ce enseigné ? Est-ce répandu ?
Chacun a pris, dans nos études d’architecte, ce qu’il a voulu. Mais on nous a bien fait comprendre la part de responsabilité sur la manière d’habiter. On nous a aussi fait croire que nous étions l’élite du métier !!! Mais dans un sens, j’ai appris qu’il y avait beaucoup de constructions belles, mais peu fonctionnelles.
Après, l’empathie, non, on a pas appris ça. L’aspect éthique, je dirais que oui, quand même.
Pour ma part, il était indispensable de trouver du sens dans tout ce que je faisais, quelle que soit l’échelle (objet ou bâtiment). Je crois qu’on nous a appris à argumenter, à savoir pour on faisait les choses, pour résister aux commentaires, aux gens du métier, qui ont un avis moins éclairé sur le projet … mais bon, dans la réalité, certains sont plutôt des architectes ingénieurs, et ne voient que l’aspect technique.
Un projet passionnant
J’adore savoir comment les professionnel-le-s font leur métier : avec quels outils, quels enjeux, quelles idées, quelles méthodes de travail etc. Pourriez-vous prendre l’exemple d’un projet qui vous a passionné, et nous décrire les étapes et les moyens de sa réalisation ?
Alors !!! j’ai fait une résidence séniors. C’était le deuxième projet avec les mêmes clients.
Ils voulaient cette fois faire un “hôtel chic” pour séniors. J’avais carte blanche sur la partie intérieure.
L’architecte avait déjà fait les plans. Il m’a donné une direction d’ambiance, ce qu’il avait essayé de faire dans son architecture.
J’ai donc proposé 4 planches de tendances (Mood board). Ils ont choisi l’ambiance zen graphique.
J’ai ensuite décliné.
L’architecte avait fait les logements, mais avait laissé des espaces vides. J’ai choisi les fonctions de ces espaces, avec des demandes des clients. On a inclus énormément de végétaux, en lien avec la façade végétalisée prévue par l’architecte. On a inclus un grand mur végétal qui fait le lien dans tout le projet.
On a fait un restaurant, une piscine/spa, des espaces créatifs, des espaces de rencontre, des espaces de jeu, une salle de cinéma, des coins bibliothèque… un espace accueil très convivial. Ils n’ont pas hésité à me laisser choisir des finitions, et du mobilier très moderne. J’ai dessiné beaucoup d’agencement sur mesure. J’ai choisi les matériaux, et fait quelques concessions budgétaires. On a choisi nos meubles chez RBC, donc du haut de gamme, avec des contraintes propres aux séniors.
Par la suite, j’ai réglé beaucoup de détails une fois les résidents dans les lieux, pour ajouter de la déco, remplir des couloirs trop vides, ajouter des stores, des fauteuils, des rangements. Cette partie pouvait difficilement être vue en amont. C’est propre à l’utilisation du lieu.
Quel est votre statut professionnel ?
Auto-entrepreneuse, entrepreneuse individuelle, SASU, ou quoi d’autre ? Vous êtes profession libérale ?
Je suis en profession libérale, avec le statut d’auto entrepreneure
Où exercez-vous ?
À Lyon.
Comment trouvez-vous vos client-e-s ?
Essentiellement par mon site. Ça fait 10 ans, donc je commence à avoir des clients qui reviennent me voir. Parfois, les artisans avec qui je travaille me donnent des projets aussi.
Votre site, vous l’avez fait vous-même ?
Oui.
Comment trouvez-vous l’inspiration ?
Je vais au salon Maison & Objets. C’est très inspirant. Ce qui est passionnant, c’est les chasseurs de tendances, comme Nelly Rodi, Vincent Grégoire, Elisabeth Leriche… Ils décident des tendances de tout ce qui nous entoure, à travers le monde.
Je regarde les tendances (comme sur le site Maisons du monde par exemple). Et surtout, j’écoute les futurs utilisateurs. Je ne vais pas leur proposer une déco qui n’est pas à leur image. Il faut savoir faire tous les styles dans ce métier.
Bénédicte, j’ai trouvé vos réponses vraiment très intéressantes et inspirantes pour les personnes qui comme vous voudraient se lancer dans ce métier si riche, si multifacettes et multi-tâches. Je vous remercie beaucoup d’avoir pris le temps de répondre à mes questions et je vous souhaite encore beaucoup de succès et plein de projets fascinants 🙂
Le site de Bénédicte Bergot, et son Instagram :
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